Origines européennes

L’ancêtre Robert Caron

Les différentes versions au sujet des origines de l’ancêtre Robert Caron pourraient à elles seules faire l’objet d’un ouvrage volumineux. Tous les généalogistes patentés, dirait-on, ont écrit sur l’ancêtre Robert Caron tant son parcours est intrigant.

Dans son ouvrage en 30 tomes, « Nos ancêtres », Gérard Lebel résume l’opinion de plusieurs au sujet de l’origine française du premier ancêtre des Caron. Et il pose la question : « D’où est-il venu ? Trois siècles et demi ont coulé au fond du sablier et les généalogistes n’ont pu encore trouver de réponse absolument sûre à la question… »

Dans le bulletin de recherches historiques (1937), l’abbé Yvanhoe Caron rejoint le père Julien Déziel et ses Médaillons d’ancêtres pour avancer que Robert Caron est originaire de la Saintonge (la Charente maritime d’aujourd’hui). « Quelques auteurs, écrit l’abbé Caron, ont prétendu que Robert Caron venait de la Normandie, d’autres ont dit qu’il était Breton. Plus nous étudions les origines des premiers colons du Canada, plus nous nous convainquons qu’il y avait parmi ceux qui vinrent dans la Nouvelle-France, de 1630 à 1640, une forte proportion de gens de la Saintonge et de l’Aunis. Robert venait de la Saintonge et il s’embarqua à La Rochelle pour le Canada »…

Un autre généalogiste marquant, le père Archange Godbout, a découvert que plusieurs familles Caron habitaient La Rochelle au XVIIe siècle. Elles étaient pour la plupart protestantes, ce qui ne veut pas dire que l’ancêtre Robert l’était. Gérard Lebel conclut que le dossier au sujet de l’origine de Robert Caron reste ouvert. Il signale, fait important, que son acte de mariage est disparu avec les autres actes inscrits aux registres de l’église Notre-Dame de Québec avant 1640. Le 15 juin de cette année-là, un incendie les a réduits en cendres, en même temps que les papiers du greffe et une grande partie des contrats entre particuliers. On a tenté de les reconstituer à partir de la mémoire des familles et des témoins de l’époque, mais ils sont forcément restés incomplets. Cela explique la difficulté des généalogistes avec les origines de certains ancêtres.

Robert Caron à l’époque de Louis XIII

Dans la vie, on peut arriver à identifier des éléments déclencheurs qui orientent notre destin dans une autre direction qui n’avait pas été initialement prévue. Tout comme pour chacun d’entre nous, notre ancêtre Robert Caron n’y a certainement pas échappé mais quel fut le contexte de cette aventure vers la Nouvelle-France? Certes, il fallait une dose de témérité et de goût pour l’aventure pour tenter une traversée sans garantie de la compléter!

LouisXIII

Louis XIII – Philippe de Champaigne – Source Wikicommons

On sait qu’il était né vers 1612 dans une France peuplée d’environ 18 millions d’habitants dont plus des 4/5 sont des paysans. Les recherches n’ont jamais permis de déterminer sa région d’origine mais on peut présumer selon des sources géographiques des patronymes en France que sa famille provenait du nord, soit Normandie, Picardie, Nord et Pas-de-Calais, et peut-être de la grande région parisienne et même de la Belgique actuelle qu’on désignait alors sous le nom de Pays-Bas espagnols. De nos jours, les Caron sont concentrés dans les régions ci-haut mentionnées.

Les innombrables guerres qui se déroulèrent dans ces régions de France ou tout simplement l’œuvre du temps ont fait disparaître à tout jamais les traces écrites de sa naissance et de l’origine de ses parents.

Mais fut-il soldat? Possiblement mais davantage un paysan; ou pratiquait-il un métier comme tisserand, maçon ou charpentier. Ses parents furent-ils victimes de ces guerres? Avait-il des frères et des sœurs qui furent victimes du même sort? Avait-il déjà été marié? A-t-il eu des enfants nés et décédés en France? Toutes des questions bien légitimes (1). 

En mars 1632, par le traité de St-Germain-en-Laye l’Angleterre retourne la Nouvelle-France dans le giron français. Champlain ne revient en Nouvelle-France que l’année suivante et prépare l’arrivée en 1634 de quelques familles. En 1635, Richelieu freine les efforts de colonisation et réoriente les ressources en hommes et matériel à la reconquête des provinces du nord-est; en effet, la guerre dite de Trente Ans (1618-1648), pendant laquelle la France avait évité d’y prendre part directement, se transportait dans les provinces frontalières du nord-est. Richelieu avait déclaré la guerre à l’Espagne; l’Artois doit revenir à la France et de fait, en 1640, l’Artois redevint française mais au prix de sacrifices auxquels les habitants en payèrent un large tribut: impôts écrasants, famines et épidémies.

Quoiqu’il en soit, l’année 1636 et les suivantes furent des années de défaites militaires où pendant lesquelles Corbie fut prise par les Espagnols et Paris menacée mais cette année 1636 fut également pour le nord de la France en particulier une année de canicules meurtrières qui vit périr 500,000 personnes, victimes autant de la chaleur que des maladies infectieuses et de la famine.

En cette année 1636, à l’âge d’environ 24 ans, il était un adulte depuis longtemps. Plus que les guerres peut-être, Robert est conscient d’un avenir incertain à une époque où un paysan est soumis et appartient à son seigneur. Il ne peut chasser ni pêcher; il ne peut posséder de terres.

Notre ancêtre Robert se porta volontaire pour tenter l’aventure de la Nouvelle-France pour une promesse de liberté: s’y marier, y construire sa maison, cultiver sa terre, et chasser. Et avoir la liberté de vendre sa terre et en acquérir d’autres, ce qu’il n’aurait jamais réalisé dans sa France natale! (2)

 

(1) « La famille paysanne du XVIIe siècle est moins nombreuse qu’on se plaît à l’imaginer: l’âge du mariage est tardif (26 è 28 ans pour les hommes, 23 à 25 ans pour les femmes et les femmes meurent jeunes. Elles ont en moyenne cinq ou six enfants dont souvent la moitié n’atteint pas l’âge adulte. L’enfance ne dure guère: dès 5 à 7 ans, les petits passent directement dans le monde des adultes dont ils partagent aussi bien les travaux que les vêtements et le mode vie. » – Au Temps de Henri IV, Collection André Castelot, Librairie Plon 1997.
(2) Marcel Trudel dans son « Catalogue des immigrants 1632-1662 » précise que l’année 1636 n’est pas certaine bien que 1634 ait été considérée comme une hypothèse selon d’autres sources.