Historique de Robert Caron et Marie Crevet
« Si nous voulons savoir quel avenir nous bâtirons, il nous faut regarder notre passé, car un peuple qui n’a pas de mémoire est un peuple qui n’a pas d’avenir. »
Curé Marcel Caron, lors de son homélie du 6 juillet 1986
Quelle était la motivation des ancêtres Robert Caron et Marie Crevet pour décider de traverser l’Atlantique et de venir s’établir en Nouvelle-France, ce nouveau pays déjà reconnu à l’époque pour ses magnifiques paysages, ses hivers rigoureux et les relations parfois tendues avec certaines tribus indiennes ennemies ? Reculons en arrière de quelques années pour comprendre le contexte de l’implantation des premiers colons au Québec.
L’épopée de Champlain, de 1603 à 1635
Samuel de Champlain, était un grand navigateur Français, cartographe, soldat, explorateur, géographe, commandant et auteur de récits de voyages. Il fonda la Ville de Québec en 1608. Comme lors de ses voyages précédents, et ceux des anciens navigateurs Français, il renoue des alliances avec les Montagnais et les Algonquins, qui vivent au nord du Saint-Laurent, acquiesçant à leur demande persistante de les aider dans leurs guerres contre leurs ennemis, les Iroquois, semi-nomades eux aussi, vivant au sud-ouest du fleuve. En tout, Champlain aurait fait 12 voyages vers la Nouvelle-France de 1603 à 1635. Il est décédé le 25 décembre 1635 à Québec lors de son dernier voyage.
Déjà, avant Robert Caron, Joseph Le Caron a été l’un des premiers missionnaires de la jeune colonie. Joseph est né en France vers 1586, il était une sorte de provincial des Récollets, une branche des Franciscains qui, comme les Jésuites, faisaient passer le rayonnement de leur foi religieuse avant leur propre vie. Ce Récollet, un contemporain et un compagnon de Champlain, est arrivé dès 1615, soit sept ans après la fondation de Québec. Il remonta le St-Laurent jusqu’à Ville-Marie (Montréal) où, en présence de Champlain, de quelques Français qui l’accompagnaient et de quelques indiens amis des Français, il célèbre en plein air la première messe au Québec. Il fonde aussi la première mission Huronne en Nouvelle-France. Joseph était l’un de ces hommes admirables qu’il faut regarder avec les yeux de leur époque. La vérité historique oblige de dire que sans ces communautés religieuses d’hommes et de femmes, la Nouvelle-France n’aurait été qu’une belle utopie. Et jamais un pays n’aurait pu naître et grandir à partir des rives du Saint-Laurent. Les missionnaires n’étaient pas des fondateurs de lignée, par définition. Ils n’en participèrent pas moins à la fondation du pays. Tout allait assez bien pour lui et pour sa mission jusqu’au 19 juillet 1629 alors qu’une flotte anglaise, sous le commandement de David Kirke, ces corsaires au service de l’Angleterre, s’accapare le poste de traite de Québec en interceptant les bateaux de ravitaillements en provenance de France, ce qui a pour effet de réduire Samuel de Champlain et ses hommes à la famine. Après la capitulation de Québec en 1629 devant les frères Kirke, Joseph Le Caron, Champlain et 60 des 80 habitants de la colonie, seront forcé de rentrer en France. Joseph y mourra, victime de l’épidémie de peste de 1632. Ce Caron « fou de Dieu » était toujours demeuré profondément attaché à la Nouvelle-France.
À partir de 1629, Champlain est absent du Québec jusqu’au traité de Saint-Germain-en-Laye en 1632 par lequel l’Angleterre a retourné à la France la Nouvelle-France (Québec) dont elle s’était emparée en 1629. Le 23 mars 1633 Champlain repart pour Québec après une absence de quatre ans. Plus de 200 personnes l’accompagnaient, à bord de trois navires : le Saint Pierre, le Saint Jean et le Don de Dieu (la devise de la ville de Québec est « Don de Dieu ferai valoir »). Le 18 août 1634, il envoie un rapport à Richelieu disant qu’il avait rebâti sur les ruines de Québec, élargi les fortifications, construit une autre habitation à quinze lieux en amont, aussi bien qu’une autre à Trois-Rivières. Il a aussi commencé une offensive contre les Iroquois avec les indiens amis des Français. Ce n’est qu’à partir des étés 1634 et 1635, dans les dix-huit derniers mois de sa vie, que Champlain voit son rêve de colonisation se concrétiser, avec l’arrivée et l’établissement de quelques dizaines de familles de colons. Son acharnement à vouloir implanter une colonie française en Amérique du Nord lui vaut, depuis le milieu du XIXe siècle, le surnom de « Père de la Nouvelle-France ».
L’arrivée en Nouvelle France
Gérard Lebel se fie pour sa part à un écrit attribué à l’intendant Talon selon lequel Robert Caron serait arrivé à Québec avec Robert Giffard, le 4 juin 1634. Si c’est le cas, il serait embarqué, à Dieppe, à bord d’un vaisseau des Cent-Associés commandé par le capitaine Nesle.
Le généalogiste Michel Langlois fait autorité. Dans son « Dictionnaire biographique des ancêtres québécois », il écrit : « La période et le contexte de son arrivée au pays, tout comme le fait qu’il épouse une Normande et se fixe sur la Côte Sainte-Geneviève en 1642, nous portent à croire qu’il était lui-même d’origine normande. L’acte de baptême d’un Robert Caron, fils de Johan Caron, trouvé au registre de la paroisse Saint-Vivien de Rouen en 1613, pourrait bien être le sien. » Michel Langlois fixe au 30 novembre 1636 la date de son arrivée au pays.
Inutile de faire un plat avec le mystère des origines de l’ancêtre. Ce qui importe c’est son mariage, heureux, semble-t-il, avec Marie Crevet et son installation non moins réussie dans son pays neuf. Robert a tout fait très vite à partir de son arrivée. C’est peut-être qu’il sentait qu’il y avait urgence.
Qu’il soit arrivé en Nouvelle-France en 1634, ou 1635, ou bien 1636, Robert Caron est un des tout premiers Français à s’être établi en Nouvelle-France. Le moins qu’on puisse dire, c’est que Robert ne s’est pas fait prier longtemps pour venir. Il est parmi les premiers fondateurs du pays.
S’installer et fonder une famille avec Marie Crevet
Quelques mois après être débarqué à Québec, Robert Caron s’installe dans ses meubles et prend épouse. Il se fixe d’abord sur la côte de Beaupré, à l’Est de la Chute Montmorency, à un endroit appelé Longue- Pointe, sur une terre que lui concède Pierre Le Gardeur de Repentigny. Le 25 octobre 1637, il épouse, à Québec, Marie Crevet, fille de Pierre Crevet et de Marie Lemercier, de Bénouville, évêché de Bayeux, en Normandie dans le Calvados. Pour Marie aussi, nous ne connaissons pas la date de son arrivée au pays. La population du Québec n’atteignait probablement pas encore trois cents personnes. Le mariage a lieu dans la chapelle Notre-Dame-de-la-Recouvrance à Québec. Il est béni par le jésuite Charles Lallemant, il faisait fonction de curé. Jamen Bourguignon, un ami, Noël Langlois, un colon de la première heure, et Robert Giffard, chirurgien et seigneur, assistent au mariage comme témoins. De cette union naîtront sept enfants.
Robert ne reste pas longtemps sur la côte de Beaupré. Dès octobre 1642, il vend sa maison et sa terre de Longue-Pointe à Guillaume Couillard pour la somme de 150 livres en argent. Il vient s’installer sur le coteau Sainte-Geneviève, parmi les autres ancêtres d’origine normande fixés à cet endroit. Selon Victor Caron, l’un des bons généalogistes de l’Association des familles Caron, ce coteau Sainte-Geneviève se trouverait sur l’emplacement de l’actuel Collège des Jésuites, coin René-Lévesque et Joffre.
Dès le printemps de 1643, il s’adonne au défrichement de sa terre des hauteurs de Québec. Il était hautement apprécié par les chefs du pays. La compagnie des Cent-Associés lui remet trois ans plus tard le titre officiel de sa concession de 40 arpents de terre, entre les propriétés de Louis Sédillot et de Claude Larchevêque. Le gouverneur Louis D’Ailleboust lui donnera bientôt vingt arpents de plus. Le 6 décembre 1652, le gouverneur Jean de Lauzon reconnaîtra ces deux titres pour, semble-t-il, l’inciter à demeurer à cet endroit.
Mais l’ancêtre Caron a la bougeotte. Après 12 années passées sur sa belle terre de Sainte-Geneviève, en 1654, il la vend à Charles D’Ailleboust, neveu du gouverneur, pour la somme considérable de 1700 livres. En fait, il vend toutes ses propriétés de Québec pour une raison que lui seul connaît.
Quelques mois auparavant, il avait acheté de Julien Fortin dit Bellefontaine, au prix de 500 livres, une terre de cinq arpents de front par une lieue de profondeur sur la côte de Beaupré, à Sainte-Anne-du-Petit-Cap, à moins de deux kilomètres de l’actuelle basilique Sainte-Anne.
II n’aura pas le temps de profiter de sa nouvelle maison de la Côte de Beaupré. Le 8 juillet 1656, il meurt subitement à l’hôpital de Québec. Accident ou maladie ? On ne le saura jamais. Il avait 44 ou 45 ans, selon Gérard Lebel.
Leurs enfants
- Marie, 1639 à 1660, mariée le 28 juin 1656 à Jean Picard. Elle décède après seulement quatre ans de mariage. En fait, Marie a été enlevée par huit indiens d’une tribu ennemie en même temps que trois jeunes enfants dont elle avait la garde. Âgée de 21 ans, elle habitait sur la côte de Beaupré. Les ravisseurs réussirent à traverser le fleuve avec leurs captifs. Ils furent rejoints à la Pointe-Lévis par des Algonquins, amis des colons. Une bagarre s’ensuivit au cours de laquelle Marie et un enfant perdirent la vie. La vie en Nouvelle-France n’était pas de tout repos.
- Jean-Baptiste, 1641à 1706, marié le 16 novembre 1661 à Marguerite Gagnon. Ils sont établis à Sainte-Anne-de-Beaupré.
- Robert, 1647 à 1714, marié le 14 novembre1674 à Marguerite Cloutier. Ils sont établis à Sainte-Anne-de-Beaupré.
- Catherine, 1649 à 1725, marié en première noce 30 novembre 1662 avec Jacques Dodier; elle s’est remariée le 30 avril 1680 avec Pierre Dupré, seigneur de la Rivière-du-Gouffre (Baie-Saint-Paul).
- Joseph, 1652 à 1711, marié le 27 octobre 1684 à Élisabeth Bernier. Il fut en 1678 le premier défricheur de Saint-Jean-Port-Joli, sa famille vivait aux Trois-Saumons.
- Pierre, 1654 à 1720, marié le 19 février 1678 à Marie-Madeleine Bernier. C’est un famille pionnière de Cap-Saint-Ignace.
- Aymée, 1655 à 1685, mariée le 6 janvier 1677 à Noël Langlois (dit Traversy), ce couple était établi à Beauport.
Après le décès de Robert Caron
La veuve de Robert Caron, attendra 10 ans avant de se remarier. Marie Crevet épousera Noël Langlois, veuf de Françoise Grenier, ce même bon vieux colon qui avait été témoin à son premier mariage. Pour éviter les querelles entre les héritiers Langlois, le mariage se fera en séparation de biens. Un mariage d’amour de toute évidence. En 1684, Noël Langlois décède à l’âge de 80 ans. Il était l’habitant le plus âgé au pays. Marie vivra encore jusqu’en 1695. Son acte de sépulture lui donne 92 ans. Selon Lebel, elle était âgée de 86 ans, ce qui était tout de même une longévité exceptionnelle pour l’époque.
Par la suite, une dizaine d’ancêtres Caron ont fait souche en Nouvelle-France. L’ancêtre Robert est le plus intéressant au point de vue de la généalogie parce qu’il est le premier arrivé et parce que sa descendance est la plus nombreuse. Rendons hommage à nos ancêtres fondateurs ayant fait preuve d’autant de courage et de détermination pour réussir à construire leurs habitations à l’aide des ressources disponibles sur place, à défricher et cultiver la terre pour nourrir les familles. Ils ont su transmettre à leurs descendants des valeurs de bâtisseurs : vaillance, générosité, ténacité, courage, respect et débrouillardise. Pour les gens intéressés à en connaître davantage sur l’Association des Familles Caron d’Amérique, nous vous invitons à vous procurer le livre : « Les Familles Caron d’Amérique, 1984 à 2004 » des Éditions : La Plume d’Oie, 2004, Rédactrice en chef : Marielle Caron. Ce livre est la source de référence ayant servi à rédiger le présent texte en plus des informations provenant aussi des sites Web : claude.Dupras.com, https://gw.geneanet.org.